Alors que le gouvernement de Volodymyr Zelensky est confronté à un scandale de corruption grandissant et à une crise militaire, l’administration Trump a soumis jeudi à Kiev un plan en 28 points pour un règlement négocié de la guerre avec la Russie.
La proposition a été transmise par une délégation militaire américaine dirigée par le secrétaire à l’Armée Daniel Driscoll.
Publié intégralement par Axios, le plan marque une rupture significative avec les positions antérieures de Washington et témoigne de l’aggravation de la crise frappant la guerre par procuration menée contre la Russie par les États-Unis et l’OTAN.
Le document déclare que «l’OTAN ne s’élargira plus» et que «l’Ukraine accepte d’inscrire dans sa Constitution qu’elle ne rejoindra pas l’OTAN, tandis que l’OTAN s’engage à inclure dans ses statuts une disposition excluant l’adhésion future de l’Ukraine». Il précise également que «l’OTAN s’engage à ne pas stationner de troupes en Ukraine».
Le sommet de l’OTAN tenu à Bucarest en 2008 avait déclaré que l’Ukraine et la Géorgie «deviendraient membres de l’OTAN». Le président russe Vladimir Poutine a cité les démarches de Kiev pour s’intégrer à l’OTAN comme principale justification de l’invasion russe de 2022.
Le document stipule encore que «la Crimée, Louhansk et Donetsk seront reconnues de facto comme russes, y compris par les États-Unis».
La Russie a annexé la Crimée en 2014, et l’un des objectifs majeurs des puissances de l’OTAN en provoquant la guerre en 2022 était de reconquérir ce territoire. En 2023, le général Mark Milley, chef d’état-major interarmées, avait déclaré que l’OTAN aiderait la Russie à «passer à l’offensive pour libérer l’Ukraine occupée par la Russie». Actuellement, Moscou occupe une grande partie, mais non la totalité, des provinces de Louhansk et Donetsk.
L’accord prévoit également que «l’Ukraine organisera des élections dans les 100 jours», ce qui équivaut à garantir la chute du régime Zelensky, qui gouverne aujourd’hui par décrets d’urgence.
Le plan de l’administration Trump stipule en outre que «la Russie sera réintégrée dans l’économie mondiale» et qu’elle «sera invitée à réintégrer le G8», dont elle avait été exclue en 2014.
Des responsables européens ont déclaré à la presse américaine qu’ils n’avaient pas été consultés et ont publiquement formulé des condamnations à peine voilées de la proposition. «La paix ne peut pas être une capitulation. Nous ne voulons pas de la capitulation de l’Ukraine», a déclaré jeudi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
Le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, a ajouté: «La sécurité de l’Europe est en jeu, nous attendons donc d’être consultés.» Interrogé sur une quelconque consultation des Européens pour la rédaction du plan, Sikorski a répondu: «Pas à ma connaissance.»
Kaja Kallas, haute représentante de l’Union européenne pour la politique étrangère, a déclaré: «Différents plans de paix ne peuvent fonctionner si les Ukrainiens et les Européens n’y consentent pas», ajoutant qu’elle ne voyait «aucune concession du côté russe».
Un responsable ukrainien a confié au New York Times que l’administration Trump n’avait «pas sollicité l’avis de Kiev» et que «les termes du plan étaient inacceptables pour Kiev». Mykhailo Podolyak, conseiller de Zelensky, a qualifié la proposition de «capitulation inconditionnelle», ajoutant que l’accepter reviendrait à une «soumission».
Le député ukrainien Roman Kostenko a déclaré que l’accord «signifie la capitulation, pour l’Ukraine, pour l’Europe et pour l’Amérique».
Alors que les conseillers de Zelensky condamnaient sans détour la proposition, le gouvernement Zelensky l’a officiellement acceptée comme point de départ pour des discussions. Zelensky a déclaré dans un communiqué sur Telegram: « Nos équipes – l’Ukraine et les États-Unis – travailleront sur les points du plan pour mettre fin à la guerre. Nous sommes prêts à un travail constructif, honnête et rapide.»
Le Financial Times a rapporté que les responsables américains recherchaient un calendrier extrêmement rapide pour la mise en œuvre de l’accord:
Des responsables ukrainiens ont affirmé que l’administration Trump avait indiqué à Zelensky et à son entourage que la Maison-Blanche travaillait sur un calendrier «agressif» afin de finaliser la proposition et mettre fin à la guerre avant la fin de l’année. Ils ont ajouté que Washington attendait de Zelensky qu’il signe l’accord «avant Thanksgiving», jeudi prochain, avec l’objectif de présenter un accord de paix à Moscou plus tard ce mois-ci et de conclure le processus début décembre.
Le gouvernement de Zelensky est confronté à un scandale de corruption qui va s’amplifiant et impliquant un système de pots-de-vins de nombreux millions de dollars orchestré par ses plus proches associés. Le Bureau national anticorruption de l’Ukraine a affirmé la semaine dernière que Timur Mindich, partenaire d’affaires de Zelensky, avait organisé un système visant à détourner plus de 100 millions de dollars en 15 mois de la société nationale d’énergie nucléaire.
Le scandale a entraîné la démission du ministre de la Justice, Herman Halushchenko, et de la ministre de l’Énergie, Svitlana Hrynchuk.
Le parti politique de Petro Porochenko, ancien président ukrainien, a qualifié la conduite du gouvernement Zelensky d’«incompétente et corrompue» dans un communiqué cette semaine.
Le New York Times a cité Kostiantyn Yelisieiev, ancien conseiller présidentiel en politique étrangère, qui a déclaré: «La position de l’Ukraine n’est pas forte en ce moment, et cela est perçu non seulement à l’intérieur du pays mais aussi par nos partenaires, y compris les États-Unis, et bien sûr par l’agresseur.»
La Russie progresse régulièrement sur le champ de bataille, notamment dans la ville de Pokrovsk, qu’on s’attend à voir prise de façon imminente.
Jeudi, Poutine a reçu un rapport du chef d’état-major général russe Valery Gerasimov qui a annoncé que les troupes russes avaient pris le contrôle de la ville ukrainienne de Koupiansk, ainsi que de larges portions de Pokrovsk.
Les États-Unis estiment officiellement que 1,2 million d’hommes ont été tués ou blessés dans la guerre, le conflit le plus meurtrier en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais le chiffre réel est probablement bien plus élevé.
