Le journaliste radical et militant anti-guerre Yves Engler brigue la direction du Nouveau Parti démocratique (NPD) du Canada, affirmant que ce parti social-démocrate moribond et de droite peut être transformé en un instrument pour lutter contre les milliardaires, s'opposer à l'impérialisme et à ses guerres, et construire l'« écosocialisme ».
Au début du mois, Engler a soumis ses documents de candidature, accompagnés du premier versement des 100 000 dollars de frais de candidature, à un comité de sélection composé de trois membres du parti. Ce comité déterminera si son nom peut être retenu dans la course à la succession de Jagmeet Singh à la tête du NPD fédéral, qui sera décidée par un vote des membres en mars prochain.
Avant d'annoncer en juillet son intention de se présenter à la direction du parti en tant que candidat du « Caucus socialiste du NPD », Engler n'était pas actif dans la politique du NPD. Il admet volontiers que c'est le Caucus socialiste qui lui a d'abord proposé, puis l’a persuadé, de se présenter à la direction du NPD.
La mission déclarée du Caucus socialiste est de ramener le NPD à ses prétendues « racines socialistes ». Son activité s'articule autour des congrès fédéral et ontarien du NPD, où il présente des résolutions alternatives, formulées de manière plus radicale, qui sont rarement soumises au vote. L'objectif du Caucus socialiste est de pousser le NPD vers la « gauche ». En réalité, il s'efforce d'enfermer les jeunes et les travailleurs qui se tournent vers la gauche dans l'impasse des manœuvres opportunistes de la sphère des sociaux-démocrates canadiens et des syndicats.
Depuis sa fondation en 1998, le Caucus socialiste est dirigé politiquement par la Ligue pour l’action socialiste (Socialist Action), une organisation pabliste anti-trotskyste. Rejetant les principes fondamentaux du trotskysme orthodoxe, le pablisme est apparu comme une tendance liquidatrice au sein de la Quatrième Internationale au début des années 1950, sous la direction de Michel Pablo et Ernest Mandel. Les pablistes ont rejeté le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière dans la lutte pour le socialisme, affirmant que des éléments au sein de la bureaucratie stalinienne, des nationalistes bourgeois et des fonctionnaires sociaux-démocrates et syndicaux seraient contraints par la pression des masses à prendre une direction « révolutionnaire ». Agissant selon cette perspective, les pablistes ont exigé la liquidation des sections nationales de la Quatrième Internationale dans le « mouvement de masse », indépendamment de sa direction et de son programme.
Soulignant les liens étroits entre la Ligue pour l’action socialiste et le Caucus socialiste du NPD, Barry Weisleder, pabliste de longue date, est à la fois secrétaire fédéral de la Ligue pour l’action socialiste et président du Caucus socialiste. Il est également coprésident de la campagne d'Engler pour la direction du NPD.
Dans une déclaration qui résume sa perspective, la Ligue pour l’action socialiste, s'exprimant par l'intermédiaire de son groupe de façade, le Caucus socialiste, a déclaré : « Engler incarne un engagement solide et de gauche en faveur du socialisme démocratique [...] Le Caucus socialiste soutient Engler parce qu'il incarne son projet durable : éloigner le NPD de la domination des entreprises et le ramener vers ses racines socialistes. »
Cette brève déclaration est trompeuse à bien des égards. Premièrement, le NPD canadien n'a jamais eu de « racines socialistes ». Sa fondation en 1961 était une manœuvre bureaucratique, entreprise par le Congrès du travail du Canada et le CCF – que le premier ministre libéral Louis St-Laurent avait qualifié à juste titre de « libéraux impatients » – dans le but de fournir à la bureaucratie syndicale et aux sections « de gauche » de la petite bourgeoisie un meilleur moyen de museler politiquement la classe ouvrière et de faire avancer leurs propres intérêts.
Deuxièmement, la perspective d’éloigner le NPD « de la domination des entreprises » ou vers la « gauche » est une entreprise vouée à l’échec. À l'instar des partis fondés dans la tradition de la social-démocratie de la Deuxième Internationale à travers le monde, le NPD canadien a depuis longtemps abandonné même le plus ténu lien avec la politique réformiste nationale et s'est imposé au cours des quatre dernières décennies comme un défenseur pur et dur du capital contre la classe ouvrière.
Enfin, l'affirmation selon laquelle le « socialisme démocratique » est un projet « de gauche » est démentie par ses partisans en Amérique du Nord et en Europe. Le « socialiste démocratique » américain Bernie Sanders défend désormais la répression féroce de Trump contre les immigrés, tandis que Jeremy Corbyn, en Grande-Bretagne, maintient la classe ouvrière attachée à la perspective réformiste nationale en faillite du travaillisme, face à la plus grande attaque contre son niveau de vie depuis la Seconde Guerre mondiale. Le Parti de gauche allemand, dont l'une des organisations prédécesseurs portait le nom de « Parti du socialisme démocratique » et a supervisé la restauration du capitalisme en Allemagne de l'Est, a imposé l'austérité chaque fois qu'il est entré au gouvernement et soutient la folle campagne de réarmement de l'impérialisme allemand.
Yves Engler : un nationaliste « de gauche » défenseur du capitalisme canadien
Il faut reconnaître à Engler le mérite d'être l'auteur de plus d'une douzaine de livres et de nombreux articles qui dénoncent certains aspects de la politique étrangère prédatrice du Canada. Il a été violemment attaqué par les médias bourgeois et l'État canadien pour s'être ouvertement opposé à l'agression génocidaire d'Israël contre les Palestiniens de Gaza et au rôle de premier plan joué par le Canada dans la guerre contre la Russie déclenchée par l'OTAN. Par principe, le World Socialist Web Site défend sans équivoque Engler contre ces attaques de la droite et réitère son appel à l'abandon des accusations forgées de toutes pièces dont il doit répondre devant un tribunal québécois le 28 novembre.
Mais Engler n'est pas et n'a jamais été socialiste. Il n'a jamais été associé aux luttes de la classe ouvrière. C'est un nationaliste canadien « de gauche » qui soutient que l'impérialisme canadien devrait prendre ses distances avec l'empire américain et sa machine de guerre en adoptant une « politique étrangère indépendante ». Le Canada pourrait alors jouer un rôle pacifique et progressiste dans les affaires mondiales, affirme-t-il. Engler est un partisan de la multipolarité, c'est-à-dire l'idée que d'autres grandes puissances, notamment les régimes de restauration capitaliste que sont la Chine et la Russie, peuvent constituer un antipode progressiste à l'impérialisme américain en crise et, grâce à des organisations telles que les BRICS et une ONU réformée, instaurer un ordre capitaliste stable dans lequel les intérêts des puissances capitalistes rivales seraient pris en compte.
Il est hostile à l'idée de fonder la lutte contre la guerre sur la mobilisation révolutionnaire de la classe ouvrière internationale, qui nécessite de la libérer de l'emprise des syndicats, de la social-démocratie et de tous les représentants politiques des États capitalistes rivaux.
Engler a été l'un des fondateurs et reste « directeur par intérim » du Canadian Foreign Policy Institute (CFPI). La première initiative du CFPI a été de faire circuler une pétition appelant le gouvernement Trudeau à convoquer une révision de la politique étrangère – une demande formulée séparément par le National Post et d'autres forces de droite – en affirmant qu'Ottawa pouvait être poussé à mener une politique étrangère plus altruiste. À ce jour, le site web de l'Institut affiche fièrement comme premier signataire de cette pétition nul autre que Stephen Lewis, l'ancien chef du NPD de l'Ontario qui est devenu l'ambassadeur du Premier ministre conservateur Brian Mulroney auprès des Nations unies. Lewis est célébré par la bourgeoisie canadienne pour son rôle dans la « transition pacifique » du pouvoir en Afrique du Sud, c'est-à-dire dans le démantèlement du régime d'apartheid tout en préservant la domination de l’impérialisme et l'exploitation capitaliste sauvage.
Engler a franchement admis que le but de sa campagne était de faire pression sur l'establishment du NPD. « Du point de vue de la gauche, a-t-il déclaré, la course à la direction du NPD est avant tout une occasion de faire évoluer la soi-disant “fenêtre de discours” dans le sens de la justice sociale et économique. D'élargir les paramètres de ce qui est politiquement acceptable dans la politique dominante. »
Le programme de 28 pages qu'Engler a publié comme base supposée de sa candidature à la direction du NPD – « Le capitalisme est irrémédiable – En avant vers un avenir socialiste ! » – est un méli-mélo et une imposture. Il porte l'empreinte de Weisleder et des divers groupes de politique de l’identité avec lesquels la Ligue pour l’action socialiste collabore. Il combine des déclarations grandiloquentes sur la nécessité du « socialisme » avec un soutien à la bureaucratie syndicale et des appels vagues et banals à une augmentation des dépenses publiques.
Le programme ne dit rien sur la volonté de l'oligarque fasciste américain Donald Trump d'établir une dictature présidentielle au sud de la frontière, ni sur ses implications pour la lutte des classes au Canada, ni sur le virage parallèle de la classe dirigeante canadienne vers des méthodes de gouvernement autoritaires : de l'abolition effective du droit de grève et de la « normalisation » de l'utilisation de la « clause dérogatoire » à la promotion de l'extrême droite.
La seule référence à Trump se trouve à la page 49 et se lit comme suit : « Ne pas conclure de nouveaux accords commerciaux avec le régime indigne de confiance du président états-unien. »
De même, bien qu'il y ait plusieurs pages de revendications sous la rubrique « Paix, solidarité et anti-impérialisme », celles-ci ne constituent guère plus que des lamentations morales et des chimères réformistes. Le génocide à Gaza, la guerre contre la Russie fomentée par les États-Unis et l'OTAN et la campagne de réarmement de la classe dirigeante canadienne sont tous dénoncés. Mais ils sont traités comme des événements distincts et non comme des éléments d'une guerre mondiale en émergence, enracinée, comme les deux guerres mondiales impérialistes du siècle dernier, dans une crise systémique du capitalisme qui ne peut être arrêtée que par une révolution socialiste mondiale menée par la classe ouvrière.
Conformément à sa perspective nationaliste canadienne et à son orientation vers la bureaucratie syndicale, Engler adhère à la propagande fallacieuse de la classe dirigeante canadienne, « Équipe Canada », qui affirme que tous les Canadiens sont unis dans la guerre commerciale lancée par Trump. Tout en le dissimulant sous des appels démagogiques demandant au Canada de «suspendre les déploiements militaires conjoints », Engler se joint à Bea Bruske du CTC et à Lana Payne d'Unifor pour critiquer le premier ministre Carney, issu de la droite nationaliste, d'avoir « baissé les bras » et de ne pas poursuivre plus agressivement la guerre commerciale menée par la classe dirigeante canadienne contre les États-Unis, qui se fait au détriment des travailleurs des deux côtés de la frontière. Promouvant la description que fait la classe dirigeante du Canada impérialiste comme une victime innocente, plutôt que comme un prédateur dans la lutte impérialiste pour rediviser le monde dont la guerre commerciale lancée par Trump fait partie, Engler déclare avec grandiloquence : « Le NPD a besoin d'un ancien joueur de hockey comme leader, qui soit prêt à patiner dans les coins et à prendre la rondelle aux brutes de l'empire américain. »
Il va sans dire que la promotion par Engler d'un programme nationaliste aussi répugnant que le « Canada d’abord » fait de lui un adversaire acharné de la lutte pour unir les travailleurs canadiens, américains et mexicains contre toutes les attaques contre leurs droits sociaux et démocratiques et contre la cause profonde de la guerre commerciale et du militarisme : le capitalisme.
Les racines anti-trotskystes de la Ligue pour l’action socialiste pabliste
L'intervention de la Ligue pour l’action socialiste/Caucus socialiste dans la direction du NPD vise à canaliser les travailleurs et les jeunes radicalisés par la crise capitaliste vers l'impasse politique qu'est le NPD. En cela, elle reprend le rôle joué par des dizaines d'organisations pablistes à travers le monde au cours des dernières décennies. Dans un contexte où les profonds changements dans la structure du capitalisme mondial, à commencer par la mondialisation de la production dans les années 1980, ont sapé tous les programmes et partis réformistes nationaux, le pablisme s'est donné pour mission de redonner vie aux remèdes réformistes de la social-démocratie, que ce soit sous la forme du NPD canadien, du Parti travailliste britannique ou du Parti socialiste français.
Le NPD est profondément discrédité après avoir soutenu pendant des années les gouvernements libéraux. Lors des élections fédérales de cette année, il a été réduit à 7 sièges et a vu sa part des voix chuter de près des deux tiers, pour atteindre seulement 6,3 %.
Maintenant que Carney et la classe dirigeante canadienne se précipitent vers la droite, la bureaucratie syndicale et la pseudo-gauche s'efforcent de redorer le blason du NPD. Engler n'est que le plus radical des candidats qui cherchent à relancer la position du parti en promettant de s'attaquer aux inégalités sociales et de lutter contre l'austérité.
Le fait que les pablistes canadiens occupent une place si importante dans cette entreprise découle de toute l'histoire de cette tendance anti-trotskyste, qui a émergé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale comme expression de l'accommodement de la petite bourgeoisie « de gauche » à la stabilisation temporaire du capitalisme.
Lors de sa fondation en 1961, la Ligue pour l'action socialiste (LSA, League for Socialist Action), collaborait déjà avec le Socialist Workers Party (SWP) aux États-Unis pour orchestrer une réunification sans principes avec le Secrétariat international pabliste. Les trotskystes canadiens avaient tardivement soutenu la formation du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) en 1953 afin de défendre la continuité du trotskysme orthodoxe contre le pablisme. Cependant, avec le SWP au sud de la frontière, ils se sont adaptés à l'essor de l'après-guerre et ont rapidement basculé vers une politique de « regroupement » et de réunification avec les pablistes. Les deux organisations ont adopté l'hostilité des pablistes à la construction d'un parti révolutionnaire pour diriger la classe ouvrière dans la lutte, insistant plutôt sur le fait que d'autres forces sociales pouvaient renverser le capitalisme avec un « instrument émoussé ».
C'est sur cette base que la LSA et le SWP ont affirmé que Fidel Castro était un « marxiste inconscient » dont le mouvement de guérilla nationaliste bourgeois à Cuba avait établi un « État ouvrier » qui ouvrait la voie à la «révolution socialiste » dans les Amériques.
Dans une adaptation opportuniste similaire, la LSA proclamait la fondation du NPD comme « l'événement le plus important dans l'histoire de la lutte tumultueuse du peuple canadien pour la justice politique et sociale ». La LSA a été contrainte de reconnaître que les fondateurs du NPD étaient en train de construire une « coalition libérale-syndicale », comme ils l'avaient explicitement formulé dans leur appel à l'unité des « progressistes » de tous les partis. Mais dans une formulation pabliste classique, la LSA affirmait que cela n'avait aucune importance, car les conditions objectives mettraient le NPD en conflit avec le capitalisme et en feraient un instrument de lutte de classe pour les travailleurs.
En 1963, la LSA et le SWP ont officiellement rompu avec le CIQI et ont rejoint l'Internationale pabliste. Soulignant le caractère irréversible de sa rupture avec le trotskysme, la LSA a rapidement commencé à vanter le nationalisme québécois et canadien comme un « anti-impérialisme » naissant. Elle a ainsi contribué à légitimer des conceptions politiques qui se sont avérées essentielles pour maintenir l'emprise politico-idéologique de la bourgeoisie sur la classe ouvrière.
La promotion par les pablistes de la politique de la guérilla castriste/guévariste eut des conséquences encore plus fatales, contribuant à la désorientation politique d'une génération de travailleurs et de jeunes latino-américains. Le détournement des jeunes et des jeunes travailleurs radicalisés de la classe ouvrière et de la lutte pour son indépendance politique vers des luttes de guérilla suicidaires a coûté la vie à des milliers de personnes, renforcé l'emprise paralysante de la bureaucratie syndicale et des staliniens sur le mouvement ouvrier et ouvert la voie à des dictatures militaires fascistes.
Au cours des six décennies qui ont suivi, les pablistes ont suivi la social-démocratie et le stalinisme dans leur virage radical vers la droite. La Ligue pour l'action socialiste a continué à promouvoir le NPD comme le seul «parti de masse de la classe ouvrière » en Amérique du Nord, tout en soutenant la participation de l'impérialisme canadien à une série de guerres d'agression menées par les États-Unis au cours du dernier quart de siècle. Depuis 2019, le NPD soutient les gouvernements libéraux minoritaires qui ont mis en œuvre une politique pandémique meurtrière privilégiant les profits au détriment des vies humaines, augmenté massivement les dépenses militaires, soutenu le génocide à Gaza et joué un rôle de premier plan dans la guerre menée par les États-Unis et l'OTAN contre la Russie.
La Ligue pour l'action socialiste justifie la désignation du NPD comme parti de la classe ouvrière en citant ses liens organisationnels avec les syndicats ; pourtant, chaque fois qu'il est contraint de critiquer le NPD, il passe sous silence le rôle que jouent les syndicats dans l'élaboration de ses politiques de droite. Alors que le CTC et Unifor se vantaient de leur rôle dans la négociation de l'accord de confiance et d'approvisionnement entre le NPD et les libéraux, la Ligue pour l'action socialiste, comme le reste de la pseudo-gauche, s'est efforcée de ne pas en parler.
La vérité est qu'aujourd'hui, les syndicats ne sont plus, au sens propre du terme, des organisations de travailleurs. Au Canada, comme partout ailleurs dans le monde, ils ont réagi à la mondialisation de la production en s'intégrant de plus en plus complètement à la direction et à l'État, et sont devenus les principaux exécutants des suppressions d'emplois, des baisses de salaire et de la restructuration capitaliste au détriment des travailleurs.
Le milieu de la pseudo-gauche international dont fait partie la Ligue pour l'action socialiste s'efforce vigoureusement de raviver les illusions dans diverses tendances de la politique réformiste nationale. Ces couches privilégiées de la classe moyenne se préoccupent avant tout de la préservation du capitalisme en crise, source de leur position sociale, ce qui explique leur détermination à empêcher les travailleurs de tirer des conclusions révolutionnaires des trahisons commises par les bureaucraties syndicales, la social-démocratie et les autres partis de « gauche ». Là où les forces de pseudo-gauche se sont senties obligées de créer des partis indépendants en raison de l'hostilité écrasante envers les sociaux-démocrates, comme La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et maintenant Corbyn avec son projet Your Party en Grande-Bretagne, ces initiatives restent orientées vers le maintien de l'autorité des syndicats, le maintien de la classe ouvrière dans les limites de la politique traditionnelle, le soutien à la social-démocratie et la réhabilitation de sa réputation.
Aux États-Unis, les Socialistes démocrates d'Amérique affirment qu'il est possible de s'emparer du Parti démocrate, l'un des deux partis jumeaux de l'impérialisme américain, et de le transformer en un vecteur de changement social. Le bilan de Sanders, qui a obtenu le soutien de millions de personnes en se présentant comme un « socialiste démocratique » lors de deux tentatives présidentielles avortées, pour ensuite se rallier aux bellicistes et aux adversaires acharnés de la classe ouvrière que sont Hilary Clinton et Joe Biden, témoigne éloquemment de la faillite de cette stratégie. En Grèce, Syriza, un parti de pseudo-gauche, a pris le pouvoir en 2015 et a procédé à la mise en œuvre du programme d'austérité le plus brutal de l'histoire du pays, en coopération avec l'Union européenne et le FMI.
L'expérience avec Corbyn en Grande-Bretagne réfute de manière accablante la perspective défendue par la Ligue pour l'action socialiste dans sa campagne pour faire d'Engler le chef du NPD. Corbyn a attiré plus d'un demi-million de nouveaux membres au Parti travailliste en 2015 en affirmant qu'il transformerait le Parti travailliste, un parti bourgeois pro-impérialiste vieux de plus d'un siècle, en une organisation de lutte contre les inégalités et la guerre, et pour les droits des travailleurs. Au cours de ses quatre années à la tête du parti, Corbyn a reculé devant l'aile droite blairiste du parti sur toutes les questions. Il a laissé les députés travaillistes voter librement sur le bombardement britannique de la Syrie, a déclaré son soutien au maintien des armes nucléaires Trident et a ordonné aux conseils locaux dirigés par le Parti travailliste d'imposer l'austérité conservatrice. Lorsque la droite du parti a lancé une chasse aux sorcières contre les partisans de Corbyn, en utilisant des accusations forgées de toutes pièces d'«antisémitisme », Corbyn est resté les bras croisés pendant qu'ils étaient expulsés. Il a finalement cédé le parti à Keir Starmer, qui, en tant que Premier ministre, a positionné la Grande-Bretagne comme un allié proche de l’aspirant dictateur Trump, et qui copie les politiques du parti fasciste Reform Party en matière d'immigration, de loi et d'ordre.
Les travailleurs ont besoin de nouvelles organisations de lutte de classe et d'un programme socialiste
L'aggravation de la crise sociale, économique et politique du capitalisme mondial prépare le terrain pour l'éclatement de luttes révolutionnaires de masse de la classe ouvrière, partout dans le monde et au Canada. L'oligarchie financière fait pression pour éliminer tout ce qui reste des concessions accordées à la classe ouvrière au cours des luttes militantes qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, des services publics aux droits de négociation collective. L'intelligence artificielle et d'autres avancées technologiques doivent être utilisées sous le capitalisme pour supprimer des emplois et intensifier l'exploitation. À travers ces attaques, la classe dirigeante de chaque pays entend faire payer aux travailleurs le réarmement massif dont elle a besoin pour participer au nouveau découpage du monde par la guerre.
Les travailleurs ne peuvent pas lutter contre cette offensive en réclamant des réformes fragmentaires menées par des organisations nationales liées à l'État capitaliste qui ont depuis longtemps abandonné toute prétention de rechercher ne serait-ce que des améliorations limitées pour la classe ouvrière. Les partis sociaux-démocrates, les bureaucraties syndicales et les groupes de pseudo-gauche dans leur orbite sont des obstacles que la classe ouvrière doit surmonter pour mener une contre-offensive réussie contre le programme d'austérité, de guerre et de dictature de la classe dirigeante.
Ce dont ils ont besoin, ce sont des organisations indépendantes de lutte de classe dirigées par les travailleurs eux-mêmes, des comités de base capables de coordonner les luttes au niveau international, en correspondance avec le caractère mondial de la production et de la lutte des classes. Ces comités doivent lutter pour mobiliser le pouvoir politique et social indépendant de la classe ouvrière afin de prendre le pouvoir politique et de donner la priorité aux besoins sociaux, et non au profit privé.
La condition préalable à la construction d'un tel mouvement est la formation d'une direction révolutionnaire au sein de la classe ouvrière, un parti qui lutte pour un programme socialiste et internationaliste et qui s'appuie sur l'assimilation des expériences stratégiques clés de la lutte centenaire du mouvement trotskyste. La lutte du Comité international de la Quatrième Internationale contre l'opportunisme pabliste revêt une importance décisive à cet égard. L'enjeu est la défense et le développement des principes les plus fondamentaux du trotskysme, seule continuité du marxisme et du Parti bolchevique de Lénine : le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière, la nécessité d'un parti révolutionnaire pour garantir l'indépendance et l'hégémonie politiques des travailleurs, et un programme et une stratégie socialistes et internationalistes. Les travailleurs et les jeunes qui veulent lutter contre le réarmement de l'impérialisme canadien et sa participation à une troisième guerre mondiale qui émerge, contre le recours à la dictature et contre les attaques brutales sur les droits des travailleurs doivent étudier et s'approprier cette histoire afin de guider leurs luttes et de se prémunir contre la politique « de gauche » frauduleuse proposée par des organisations telles que la Ligue pour l’action socialiste et Yves Engler.
