Les missions médicales à Gaza sont bloquées sans accès aux fournitures et à l’aide de base

Deux missions médicales comprenant plus de 20 médecins et travailleurs de la santé américains sont coincées dans l’hôpital européen de Khan Younis, à Gaza, près de Rafah, depuis qu’Israël a fermé le point de passage vers l’Égypte la semaine dernière afin d’empêcher la nourriture, l’eau, le carburant ou des fournitures d’entrer dans l’enclave assiégée, dans le cadre de son génocide en cours.

Les ruines de l’hôpital Shifa dans la ville de Gaza, lundi 1er avril 2024 [AP Photo/Mohammed Hajjar]

Selon un reportage publié le 13 mai 2024 par Ryan Grim et Hind Khoudary dans The Intercept sur la situation critique de ces travailleurs de la santé, les actions des Forces de défense israéliennes (FDI) ont fait de la crise humanitaire déjà catastrophique une menace et un danger immédiats pour la vie de près de 1,4 million de personnes affamées et blessées qui sont piégées à Rafah, une zone faisant 65 kilomètres carrés seulement.

Grim a écrit sur Twitter/X que la situation est sombre pour les médecins et les travailleurs médicaux qui rationnent l’eau, car ils sont confrontés à une déshydratation extrême et au moins un membre est sous perfusion. Monica Johnston, une infirmière bénévole de l’Oregon spécialisée dans les traumatismes dus aux brûlures, qui est arrivée le 1er mai, a déclaré au Washington Post qu’ils étaient «coincés dans la bande de Gaza [sans] aucun moyen sûr d’en sortir et sans nouvelle aide ou matériel entrant».

La situation sinistre dans laquelle se trouve la mission médicale est devenue particulièrement évidente lorsque l’ancien officier de l’armée indienne, le colonel Waibhav Anil Kale, 46 ans, membre du personnel du département de la sûreté et de la sécurité des Nations unies (DSS), a été tué lundi lorsque le véhicule des Nations unies, identifié par le logo et le drapeau des Nations unies, dans lequel il se rendait à l’hôpital européen en passant par Rafah, a été la cible de tirs des FDI.

Un membre de la famille de l’un des médecins a déclaré à The Intercept:

Nous savons qu’une voiture censée leur servir de passage de secours a été la cible de tirs et que des employés de l’ONU ont été tués et blessés. Nous craignons qu’ils n’aient pas la possibilité de passer et de sortir en toute sécurité. Nous savons qu’il y a des tirs d’obus autour de l’hôpital et que le personnel a reçu l’ordre de ne pas s’approcher des fenêtres.

Lors d’une conférence de presse lundi, à la suite d’une question posée par un journaliste du Washington Post sur la situation désespérée du personnel médical, le porte-parole du département d’État, Vedant Patel, a déclaré:

Je ne suis pas sûr des spécificités opérationnelles ou logistiques des efforts déployés, mais je peux dire que nous sommes au courant de l’existence de ces citoyens américains – médecins et professionnels de la santé – qui sont actuellement dans l’impossibilité de quitter la bande de Gaza. Comme je l’ai déjà dit, nous ne contrôlons pas ces postes-frontière et c’est une situation incroyablement complexe qui a des implications très sérieuses pour la sûreté et la sécurité des citoyens américains». Il a ensuite ajouté la phrase banale habituelle: «Mais nous continuons à travailler 24 heures sur 24 avec le gouvernement israélien et le gouvernement égyptien sur cette question.

L’assassinat de Kale est le premier d’un travailleur international de l’ONU à Gaza. Toutefois, il soulève une question fondamentale: dans son génocide à Gaza, avec le soutien indéfectible des États-Unis et de l’Union européenne, Israël ne peut tolérer le moindre soutien à la population de Gaza, qui est exterminée à grande échelle.

Les frappes aériennes coordonnées du début du mois d’avril qui ont tué sept travailleurs humanitaires internationaux de la World Central Kitchen et qui ont été défendues par Biden n’étaient pas des «bévues» ou des «erreurs d’identification». Même les médecins, les infirmières et les travailleurs médicaux, indépendamment de leur nationalité et de leur champ d’action limité, sont considérés comme des aides et des complices et donc comme des cibles militaires valides pour les FDI à Gaza. De ce point de vue, les commentaires de Patel sont tout simplement calculés et fallacieux.

Tout comme la famine délibérée de la population de Gaza, la destruction systématique des infrastructures de santé de Gaza n’est pas une conséquence fortuite de la guerre, mais un pilier essentiel de la campagne génocidaire d’Israël.

Au cours des sept mois qu’a duré l’assaut, les médecins et les travailleurs de la santé ont été systématiquement attaqués. Près de 500 médecins et secouristes ont été tués. Plus de 1.500 ont été blessés et plus de 300 sont détenus par Israël.

Selon l’Autorité palestinienne, plus de 80 pour cent des centres de soins de Gaza sont aujourd’hui hors service et les autres ne fonctionnent que partiellement, avec une pénurie des produits de base nécessaires au traitement de l’ensemble des victimes. L’UNICEF a récemment décrit l’hôpital européen comme la «dernière bouée de sauvetage» de Rafah.

La récente révélation du décès d'un chirurgien palestinien réputé, le Dr Adnan Al-Bursh, 50 ans, décédé le 19 avril alors qu'il était détenu par les autorités israéliennes à la prison d'Ofer, en Cisjordanie occupée, ne fait que confirmer la trajectoire monstrueuse de la campagne israélienne.

Le Dr Al-Bursh, chef du service d’orthopédie à l’hôpital Al-Shifa de Gaza, avait été arrêté par les FDI en décembre avec des collègues alors qu’il soignait des patients à l’hôpital Al-Awda lors de l’invasion terrestre du camp de réfugiés de Jabalya. Il était détenu depuis plus de quatre mois lorsqu’il est décédé. Selon CNN, son corps n’a toujours pas été rendu et la cause du décès n’a pas été révélée. Toutefois, l’un des codétenus d’Al-Bursh qui a été libéré a déclaré que le médecin avait été torturé et tué.

La torture systématique des Palestiniens détenus par les forces israéliennes a été amplement confirmée et documentée par diverses sources sur lesquelles la Maison-Blanche et Joe Biden ferment les yeux. Beaucoup sont déshabillés, ont les yeux bandés, sont ligotés avec des attaches et attachés à leur lit. De nombreuses personnes ont été amputées des mains à la suite de blessures causées par le port prolongé de menottes. La torture physique et mentale est monnaie courante. Les passages à tabac, comme l’a déclaré un dénonciateur à CNN, «n’étaient pas destinés à recueillir des renseignements. C’était des actes de vengeance.»

À propos de la mort d’Al-Bursh, son ami et directeur de l’hôpital Al-Shifa, le Dr Marwan Abu Saada, a déclaré:

[C’est] une nouvelle déchirante pour tout le monde, pour sa famille, pour le personnel médical de l’hôpital Al-Shifa et pour les patients du Dr Adnan. C’est la dernière chose à laquelle nous nous attendions, et il est difficile pour l’âme de supporter cette nouvelle.

L’infirmière Monica Johnston, que l’on voit avec une ligne intraveineuse dans le bras, a fait un compte rendu poignant de la situation actuelle sur le terrain:

En tant qu’être humain, on ne peut pas ignorer les souffrances inimaginables que subissent ici les enfants, les femmes, tout le monde. Par exemple, j’ai aidé un jeune garçon dans la salle d’opération qui essayait d’ouvrir une boîte de thon. Il a perdu une main, une partie d’une autre, et ses jambes ont dû être amputées. Ce n’est pas acceptable. En outre, le niveau de traumatisme est plus élevé que tout ce que j’ai pu voir dans ma vie. Travaillant dans un centre de brûlés et de traumatologie de niveau 1, je ne peux compter qu’une poignée de blessures de cette ampleur que j’ai traitées en un an. Ici, je dois faire face à une poignée de nouvelles tragédies de cette ampleur en une journée. Pensez aux ressources nécessaires pour prendre en charge un seul de ces patients. Aux États-Unis, nous sommes parfois à court de ressources. Ici, en l’absence de fournitures de secours, c’est tout simplement impossible. On ne peut pas maintenir ces gens en vie. Et maintenant que la frontière est fermée et que Rafah est envahi, le personnel ne vient pas travailler par crainte pour sa propre sécurité et celle de sa famille. L’unité de soins intensifs compte donc moins de la moitié des infirmières et des médecins. L’autre jour, j’ai vu deux médecins faire la tournée de trois unités de soins intensifs. Les infirmières, les médecins et le personnel d’entretien sont tous épuisés [...] nous n’avons pas les fournitures ; nous n’avons pas les personnes pour faire fonctionner l’hôpital.

Elle a conclu:

Je supplie tout le monde de s’adresser à leur gouvernement local pour demander un cessez-le-feu afin que nous puissions acheminer plus d’aide, plus de matériel, plus de personnes et que nous puissions partir en toute sécurité lorsqu’il sera temps de quitter notre mission. Ces gens ont besoin de notre aide. S’il vous plaît, aidez-nous.

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Étant donné le soutien financier et matériel apporté à la campagne militaire israélienne par Biden et consorts – auquel s’ajoutent les 26,4 milliards de dollars d’un accord bipartisan du Congrès américain – de tels appels ne peuvent que tomber dans l’oreille sourde des impérialistes qui voient dans la campagne israélienne une manœuvre géopolitique plus large au Proche-Orient. Plutôt, l’appel doit être lancé à la classe ouvrière internationale pour qu’elle s’oppose au génocide en cours et qu’elle mette fin à la campagne de guerre intensifiée par l’ensemble de la classe dirigeante. La classe ouvrière qui produit l’ensemble des richesses accumulées sur la planète est la seule force qui dispose des moyens matériels pour mettre fin au massacre du peuple palestinien et empêcher une nouvelle plongée dans la barbarie.

(Article paru en anglais le 15 mai 2024)

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