La Grande-Bretagne parmi les quatre pays où l’on a détecté une nouvelle souche COVID fortement mutée

Face à la recrudescence des cas de COVID en Grande-Bretagne, une nouvelle souche, BA.2.86, peut-être plus dangereuse, a été détectée. La détection d’une nouvelle souche, baptisée «Pirola», au Royaume-Uni, a été annoncée 18 août, après qu’on l’ait détectée en Israël, au Danemark et aux États-Unis.

Pirola pourrait constituer une nouvelle étape dans la pandémie, car elle présente 35 mutations sur la protéine «spike» qui la distinguent d’Omicron XBB.1.5.

Un passant devant un centre de vaccination COVID, à l’hôpital Saint Thomas de Londres, et longeant le mur commémoratif national du COVID, le lundi 27 décembre 2021. Plus de 24,2 millions de personnes ont été infectées au Royaume-Uni et plus de 229.000 sont mortes.

Omicron est le variant COVID le plus récent à dominer le monde. Les vaccins sont efficaces contre l’Omicron et la prochaine série de vaccins vise à le combattre. Il est possible qu’ils soient moins efficaces contre «Pirola».

Il est probable que la transmission communautaire de Pirola se produit depuis un certain temps. L’agence britannique de sécurité sanitaire (UKHSA) a indiqué que le premier cas découvert fut détecté chez une personne n’ayant jamais voyagé hors du Royaume-Uni.

L’Independant de samedi indique que Luke Blagdon Snell, chargé de recherche clinique au King’s College de Londres, a déclaré qu’un patient de l’hôpital Guy’s et St Thomas de Londres avait présenté les premiers symptômes il y a cinq jours et qu’il avait contracté l’infection «localement».

Le professeur Marc Johnson, spécialiste en virologie moléculaire, a tweeté: «Les trois cas recensés au Danemark provenaient de différentes régions du pays et n’avaient aucun contact connu les uns avec les autres. Cela ressemble de plus en plus à une avalanche».

Le professeur François Balloux, directeur de l’Institut génétique de l’UCL (University College London) a déclaré qu’un autre variant du SRAS-CoV-2, EG.5/EG.5.1 (surnommé «Eris»), était «l’une des myriades de sous-lignées Omicron en circulation qui se disputent constamment les places». Il a déclaré à propos de Pirola: «Plus récemment, le variant BA.2.86 a attiré l’attention, à juste titre, car il présente beaucoup plus d’intérêt. BA.2.86 est la souche de SRAS-CoV-2 la plus frappante que le monde ait connue depuis l’émergence d’Omicron».

«Le scénario le plus plausible est que cette lignée a acquis ses mutations au cours d’une infection à long terme chez une personne immuno-déprimée il y a plus d’un an et qu’elle s’est ensuite propagée dans la population», a-t-il ajouté. «Depuis, BA.2.86 a probablement circulé dans une région du monde où la surveillance virale est médiocre et a été exporté de nombreuses fois dans d’autres régions du monde.

L’apparition en Grande-Bretagne de cette nouvelle version hautement mutée du COVID survient au moment où la maladie se propage à grande vitesse, dans des conditions où le gouvernement conservateur et les gouvernements écossais et gallois décentralisés ont renoncé complètement aux tests et à la surveillance. Ces infections sont cauées par les variants Omicron Eris et Arcturus, qui représentent près de la moitié des cas recensés au Royaume-Uni.

«Eris», ou EG.5.1, a été surveillé pour la première fois en Asie, au début du mois de juillet de cette année. Classé comme variant présent en Grande-Bretagne le 10 juillet, il représentait alors 11,8 pour cent des cas ; début août, il est passé à 14,6 pour cent. L’agence sanitaire des Nations unies signale qu’Eris a été détecté dans 51 pays. Arcturus, apparu plus tôt, en avril, était responsable à l'époque de près de 40 pour cent (39,4 pour cent) des cas britanniques.

Depuis, le COVID s’est propagé plus largement, le nombre de quartiers touchés par des épidémies en Angleterre ayant doublé en l’espace de quinze jours. Le Daily Mail a rapporté samedi, sur la base des statistiques de l’UKHSA, que près de 600 districts avaient signalé des clusters d’infections dans la deuxième semaine d’août. Une nette hausse par rapport aux 270 cas recensés deux semaines plus tôt.

Le journal explique que «589 sur 6.500 quartiers d’Angleterre ont détecté au moins trois cas de COVID dans la semaine finissant le 12 août». Et de poursuivre: «À titre de comparaison, seules 58 zones avaient atteint ce seuil – donné pour protéger l’anonymat des patients malades en petits groupes – début juillet». En l’espace de dix semaines, le nombre de cas de COVID en Angleterre a donc été multiplié par dix.

Le 7 août, le nombre d’admissions quotidiennes de COVID à l’hôpital avait plus que doublé par rapport aux quatre semaines précédentes. Paul Hunter, professeur de médecine à l’université d’East Anglia, écrit dans The Conversation: «L’immunité contre l’infection, qu’elle provienne de la vaccination ou qu’elle soit consécutive à l’infection, est de très courte durée – quelques mois seulement. Alors que la Covid se dirige vers l’endémie, elle causera probablement encore une moyenne d’environ 80.000 nouvelles infections chaque jour en Angleterre pendant des années ».

La Dre Trisha Greenhalgh, experte en soins de santé primaires à l’Université d'Oxford et membre du groupe Independent SAGE, a tweeté à propos de Pirola: «Mes différents groupes WhatsApp scientifiques sont en ébullition. Des clips et des diagrammes sur la lignée génétique circulent dans tous les sens», ajoutant qu’il «semble qu’il soit une fois de plus temps de porter un masque».

Le Daily Mail, comme tous les journaux nationaux, a soutenu les principaux partis politiques dans la réouverture de l’économie et l’abandon des tests il y a bien plus d’un an. Les tests au niveau national ont été arrêtés en avril 2022. Le Mail note que «les chiffres [relatifs à l’augmentation du nombre de cas de COVID] ne reflètent toutefois que la partie visible de l’iceberg. Pratiquement aucun cas de Covid n’est enregistré de nos jours en raison de la décision [d’arrêter les tests]… Les taux d’infection ne sont donc pas nécessairement un reflet exact de la situation actuelle».

Sur une population de plus de 66 millions d'habitants, seuls «environ 5.000 résultats de tests de flux latéral et 2 700 lectures de PCR ont été téléchargés par jour au cours de la semaine dernière».

Le démantèlement de toutes les mesures de dépistage et de surveillance, et la privation de l’accès aux vaccins pour des millions de personnes, mettent en danger l’ensemble de la population.

La surveillance des eaux usées a pris fin en mars 2022 et en mars 2023 on a abandonné l’enquête Covid-19 par l’Office national de statistiques. En mai, le gouvernement écossais du Parti national écossais et du Parti vert supprimait l’utilisation de masques dans les établissements de santé et de soins sociaux.

Début août, le Comité mixte du gouvernement pour la vaccination et l’immunisation (initiales anglaise JCVI) a émis des directives à l’intention du National Health Service, interdisant à 12 millions de personnes, qui étaient auparavant éligibles, de recevoir un vaccin COVID gratuit. Les Britanniques âgés de 50 à 64 ans, à l’exception de ceux classés comme «vulnérables», seront privés d’une dose de rappel supplémentaire. Ces mêmes 12 millions de personnes seront également privées d’un vaccin gratuit contre la grippe.

Les scientifiques et les médecins ont réagi avec inquiétude. Samedi, le Daily Record a rapporté le contenu d’une lettre d’un médecin généraliste éminent, mais anonyme, «montrant qu’ils [la profession] s’inquiètent d’une nouvelle poussée de coronavirus pendant l’hiver et pensent que le déploiement actuel des vaccins n’est pas adapté».

Ce médecin écrit: «La presse a fait état d’une recrudescence de Covid. Nous n’en avons pas entendu parler officiellement, mais les médecins généralistes l’ont remarqué un peu partout.

«Hier, nous avons reçu une lettre nous informant que tous les tests devaient cesser, y compris ceux effectués par le personnel de première ligne, à moins que nous ne soyons vulnérables et n’ayons besoin d’un traitement. J’ai remis cette lettre en question. Il me semblait étrange que nous ne le fassions pas, compte tenu de l’augmentation du nombre des cas. J’ai parlé à notre directeur de la santé publique pour clarifier ce point et aussi pour clarifier ce qui se passe avec la vaccination, qui semble une véritable pagaille à l’heure actuelle».

S’adressant au site «MailOnline», le professeur Stephen Griffin, spécialiste des maladies infectieuses à l’université de Leeds, a déclaré à propos des nombreuses mutations du nouveau variant: «Ces types de changements prennent généralement beaucoup de temps pour s’établir de concert, mais la source de ces nouveaux virus n’est pas immédiatement claire. Bien entendu, la surveillance limitée dont nous disposons aujourd’hui rend cette tâche beaucoup plus difficile.

«En fin de compte, que les humains déclarent ou non que l’urgence en matière sanitaire est terminée, le virus poursuivra son chemin quoi qu’il en soit. La meilleure façon de se prémunir dans le futur est de combiner un vaccin et une approche basée sur l’atténuation. Il est inquiétant de constater qu’au Royaume-Uni, nous sommes actuellement en train de démanteler ces deux aspects ».

(Article paru d’abord en anglais le 21 août 2023)

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